C’est forcé et c’est chaque année : la semaine écoulée a eu les yeux rivés sur Davos, là où se pressent les puissants de la planète pour y parler économie mais aussi technologie, société, santé, écologie, culture… Et guerre à la drogue. C’est admis à Davos, et c’est le World Economic Forum qui l’affirme : la guerre à la drogue a échoué.
Elle a décuplé les violences, appauvrit les États et enrichit les mafias. L’Amérique Latine est l’exemple le plus criant : 30 % des assassinats y prennent place. 50 % des morts violentes y sont liées à la drogue. Il n’y a pas de guerre « conventionnelle » mais c’est tout comme… Partout dans le monde, des milliards sont engloutis dans les manœuvres militaires, les enquêtes policières et les emprisonnements de dealers, de cultivateurs et de consommateurs. Pourtant, 2015 a été l’année de tous les records en termes de production de pavot. Quant au business de la drogue, il est toujours aussi juteux, avec un chiffre d’affaires estimé à 320 milliards de dollars.
Mais il y a pire : la guerre à la drogue n’a jamais réduit les consommations de manière substantielle. Elle a accentué les désinsertions sociales et l’éloignement entre usagers de drogues et acteurs de la santé. Elle a provoqué des morts, par overdoses, par infections, par contagions, l’illégalité amenant le consommateur à acheter n’importe quoi et à consommer n’importe comment.
Certaines autorités politiques veulent encore croire en l’interdit pur et dur. Mais d’autres se rendent à l’évidence et des modèles alternatifs émergent, autour du cannabis, en Uruguay, au Colorado, dans l’État de Washington, au Canada,… Et en avril prochain, c’est l’Assemblée Générale des Nations-Unies qui se réunira en session spéciale pour discuter des traités internationaux liés aux drogues. L’UNGASS 2016, pour United Nations General Assembly Special Session, revisitera ces traités qui se révèlent toujours un peu plus abscons, dès lors qu’ils édictent une politique drogues globale largement fondée sur la prohibition. Il est de plus en plus difficile de se réfugier derrière ces textes pour contrer des politiques de santé publique basées sur l’évidence et le pragmatisme. Il est de plus en plus difficile de contrer les arguments rationnels en faveur notamment des salles de consommation à moindre risque et de la réglementation du cannabis. Les États qui ne le comprendront pas à l’occasion de l’UNGASS 2016 seront juste à la traîne…
La question n’est plus de savoir si la prohibition s’écroule mais quelles réglementations nous voulons privilégier. Car l’inverse de la prohibition n’est pas forcément une libéralisation sans règle : ce serait tomber dans les mêmes travers, et abandonner tout contrôle sur les drogues pour le donner, non plus aux mafias, mais au marché.
La solution à la prohibition, c’est en fait la réglementation. Ainsi, en Belgique, la vente du tabac est autorisée mais pas sa publicité ; la consommation de bières et de spiritueux est légalement possible à partir de 16 et de 18 ans ; les médicaments sont accessibles mais certains avec une prescription médicale, comme pour les traitements de substitution à la méthadone. La réglementation n’est pas la panacée : l’alcool, le tabac et les médicaments restent potentiellement dangereux. Mais ils le sont beaucoup moins que s’ils émanaient de la contrebande, comme les drogues illégales. L’exemple de la prohibition de l’alcool aux États-Unis a été suffisamment éloquent : à Al Capone, à la criminalité, à l’alcool frelaté, aux intoxications éthyliques, à la guerre à l’alcool, on a préféré la réglementation.
Seules deux questions prévalent alors : comment parfaire les réglementations déjà existantes pour les drogues légales ? Et quelles réglementations mettre en œuvre pour celles qui sont encore illégales ?
Davos nous le rappelle : il est temps de (re)penser les réglementations des drogues.
Une autre politique drogues est-elle possible ? Matinée d’informations et de débats en présence d’experts et de politiques le 26 février2016, à Bruxelles.